Introduction
Les déplacements pour aller sur les lieux d’embauche, rencontrer les employeurs potentiels, pour répondre aux besoins essentiels du quotidien ou pour visiter régulièrement la famille se font souvent dans des conditions difficiles pour les résidents des périphéries des villes d’Afrique au sud du Sahara.
À l’instar de la plupart de ces villes, N’Djamena s’étend très rapidement avec des insuffisances d’équipements dues à l’absence d’une approche de développement global et intégré de l’espace urbain (photo 1). Cette déficience de la planification spatiale urbaine se traduit notamment par un surpeuplement et une multiplication des quartiers précaires à la périphérie de l’agglomération où les populations majoritairement démunies subissent les contraintes de mobilité pour accéder aux équipements et services publics urbains du centre-ville (Hemchi, 2015).
Photo 1 - Routes et pistes en périphérie de N'Djamena dans le 9e arrondissement
Source : Google Earth, 2023
La notion de contrainte peut être entendue dans différents sens comme obligation, gène, limitation ou entrave (Dictionnaire Le Petit Larousse Illustré, 2011). La contrainte de mobilité, différente de la mobilité contrainte (obligation de se déplacer pour le travail par exemple) est appréhendée ici comme les difficultés ou obstacles que rencontrent les citadins pour mener leurs activités à l’échelle de l’espace urbain. Elle peut être d’ordre socio-économique, empêchant les individus d’emprunter des modes de transport coûteux et de fréquenter des quartiers éloignés (Clément, 2000). Ainsi, la faiblesse des revenus limite les déplacements en vitesse, nombre, durée et distance et, donc, l’accès à des ressources toujours plus dispersées sur le territoire. De même, elle peut relever des caractéristiques du site (éloignement par rapport aux services urbains disponibles en centre-ville), des caractéristiques de l’offre de transport (ruptures de charge engendrées par les changements de mode de transport pour un même trajet, faiblesse et qualité de l’offre disponible) et du réseau routier (insuffisance, dégradation).
Le 9e arrondissement de N'Djamena, cadre de cette étude, est sous-équipé et sa population en majorité issue des couches les plus populaires et défavorisées avec 71 % de pauvres1 (Inseed, 2013) est dépendante des services et des emplois présents dans les parties centrales de la ville (Brahim, 2022). L’éloignement des quartiers périphériques du centre et ses pôles d’activités, engendrent de déplacements longs et difficiles à réaliser. Le réseau routier est peu développé et en mauvais état. L’offre de transport motorisé disponible se révèle coûteuse financièrement et insuffisante en quantité et en qualité, notamment en terme de couverture spatiale. Dans les travaux sur la mobilité à Bamako et Ouagadougou, Diaz Olvera et al. (1998) confirment que ce type de contexte global n’est guère favorable à l’accès à la ville de nombre de citadins, et notamment des pauvres.
Cet article s’attache, dans un premier temps, à identifier des éléments de réponse à la question suivante : quelles sont les contraintes qui pèsent sur la mobilité des chefs de ménages résidant dans le 9e arrondissement de la ville de N’Djamena ? Dans un second temps, d’analyser les pratiques de mobilité des populations selon leurs différents modes et motifs des déplacements. Il a pour objectif de contribuer à la connaissance des problématiques de mobilité dans les périphéries des villes d’Afrique subsaharienne comme N’Djamena. Il propose de s’intéresser aux chefs de ménages dans le 9e arrondissement, dépendant des services et des emplois présents dans les parties centrales de la ville. Ceux-ci doivent non seulement réaliser des déplacements dans des conditions difficiles pour accéder aux services offerts par la ville, mais aussi dépenser autant que s’adapter pour pouvoir être mobiles.
La présente analyse des contraintes de la mobilité quotidienne s’appuie sur l’exploitation des données quantitatives et qualitatives issues d’une enquête ménages-déplacements réalisée dans le cadre de la préparation d’une thèse de doctorat. Elles ont été menées en 2017 auprès de 601 individus, considérés comme « chefs de ménages » (CM) résidant dans le 9e arrondissement de la ville de N’Djamena. L’ensemble des déplacements de la veille du jour d’enquête (à l’exception du samedi et dimanche) a été recueilli auprès des chefs de ménages. Le questionnaire de l’enquête-ménages fournit des informations sur les caractéristiques de la mobilité, sur les opinions vis-à-vis des transports collectifs, sur les dépenses pour les déplacements urbains et sur les contraintes et difficultés du quotidien, comme les adaptations élaborées pour les contourner ou les atténuer.
Contraintes de mobilité des chefs de ménages dans le 9e arrondissement
Le 9e arrondissement de la ville est un espace où les contraintes de la mobilité s’exercent de manière particulièrement forte sur les habitants, imposées sur le plan spatial par la dispersion des ressources telles que les lieux d’emploi, les services et commerces ou encore les équipements. Outre l’éloignement des lieux de résidence de l’arrondissement par rapport au centre-ville, les difficultés quotidiennes rencontrées par les citadins pour accéder à la ville sont singulièrement renforcées par la faiblesse de l’offre de transport disponible.
Caractéristiques géographiques du site
Le 9e arrondissement, situé à la sortie sud de la ville de N’Djamena, est traversé par les routes qui mènent au sud du pays et à Kousseri au Cameroun et est bordé par les fleuves Logone et Chari, qui constituent des obstacles majeurs pour la mobilité (fig. 1). Il s’étend sur une plaine alluviale parsemée de nombreux bassins de rétention appelés communément « bouta » où l’eau stagne pendant plusieurs mois pendant et après la saison de pluies. Son urbanisation récente et rapide ne présente pas de limite nette. Dans les années 1970-1980, c’était encore une zone rurale, mais depuis 2008, celle-ci a été intégrée dans le périmètre urbain lors de la restructuration administrative de la ville de N’Djamena et de son extension à dix arrondissements municipaux. L’arrondissement est séparé du reste de la ville par le fleuve Chari, franchi par deux ponts. Les quartiers qui le constituent se sont développés de manière anarchique, sans un plan de lotissement préalable, sur des sites inondables qui posent de sérieux problèmes d’urbanisation aux différents services en charge de la gestion urbaine à cause de sa topographie. En 2012 par exemple, le gouvernement et la mairie ont été contraints de relocaliser les habitants des plaines inondables de Ngoumna ou Ngosso sur des plaines émergées du quartier Toukra (Gassina et al., 2023). En 2020 et 2022, tous les quartiers du 9e arrondissement ont été touchés par les eaux de crues ; 600 ménages soit 3 500 personnes de Ngonba ont été affectés (DTM, 2022). Cette situation a affecté dans la même période plusieurs villes d’Afrique centrale telle que l'Extrême-Nord du Cameroun et de l’Afrique de l’ouest telles que Burkina Faso, Mali et Niger (UNHCR, 2023), caractérisées par les occupations anarchiques des sites.
Il s’agit d’un des arrondissements les plus démunis en équipements de base tels que les réseaux d’eau potable et d’électricité, des écoles et centres de santé… ce qui entraine de nombreux déplacements vers le centre-ville. Toutefois, le gouvernement à travers sa politique d’urbanisation inclusive de la ville de N’Djamena, entend faire de cette zone méridionale un pôle secondaire pour accueillir diverses fonctions notamment économiques. Au-delà de cette couronne périphérique, on trouve des quartiers dont l’ouverture sur la ville est très limitée. Ces quartiers sont greffés sur des noyaux villageois préexistants à l’exemple du village de Dassa, en allant vers le sud du pays et du Village de Karwaï à l’ouest. Ces villages sont à bien des égards assez loin des quartiers résidentiels.
Caractéristiques socio-économiques : modestie de la population
Sur le plan socio-économique, le 9e arrondissement, par rapport aux autres arrondissements de N’Djamena, a été historiquement caractérisé par l’installation des catégories populaires avec 71 % de pauvres (Inseed, op. cit.), incapables de faire face à la forte valorisation immobilière des zones centrales. Ce territoire de plus en plus vaste, s’étendant sur une superficie d’environ 7 000 ha, joue le rôle de cité-dortoir et aussi parfois de zone de transit pour 231 000 habitants (Inseed, op. cit.). Ces populations à faibles revenus sont attirées par cet arrondissement où le coût du logement est relativement moindre par rapport à d’autres arrondissements de N’Djamena. La population est composée de plusieurs catégories socioprofessionnelles, dont des fonctionnaires, des commerçants, des agriculteurs et divers actifs à savoir jardiniers, éleveurs, pêcheurs, fabriquant de briques cuites, cireurs, coiffeurs, mécaniciens, chauffeurs de mototaxis… Ces types d’activités sont synonymes de pauvreté (Inseed, op. cit.). Généralement, les revenus issus de ces activités ne permettent pas de couvrir les besoins de base et limitent l’accès aux différents modes motorisés.
Une offre de transport collectif défaillante
En ce qui concerne l’offre de transport, à part les modes de transports non marchands que sont les véhicules des grandes entreprises comme ceux des travaux publics ou encore les véhicules des particuliers, les services de transport en commun urbain qui circulent dans le 9e arrondissement, sont constitués de minibus de 18 places, de taxis jaunes de 5 places et de mototaxis communément appelées « clandos ». Notons que l’ensemble du parc de minibus et de taxis jaunes est constitué de matériels vieux et non entretenus. Le confort et les conditions de sécurité du transport ne sont pas réunis. Le propriétaire du bus, lorsqu’il n’est pas chauffeur, a un contrôle très faible sur l’entretien du véhicule qu’il loue. La défaillance de ces différents modes de transport a un impact négatif sur la desserte des différents quartiers. La desserte par modes de transport collectif est faible. Le minibus par exemple, assure une couverture spatiale plus étendue, faisant le bonheur de nombreux usagers qui parviennent ainsi à joindre le centre-ville à partir des quelques voies aménagées des zones périphériques. Mais pour pouvoir l’utiliser, il faut surtout habiter dans un endroit où on rencontre moins d’obstacles à la circulation. Même si certains chauffeurs n’hésitent pas à aller en profondeur et empruntent les ruelles où ils se livrent à la chasse aux clients. Le taxi jaune par contre, hors de la portée de la bourse des citadins au pouvoir d’achat faible en général, dessert faiblement les quartiers du 9e arrondissement. Seuls les clandos, plus nombreux, sont bien adaptés à l'enclavement et à la dégradation des routes des quartiers tels que Ngonba, Kabé, etc. inaccessibles par d’autres modes. Cela permet à l’usager de mieux organiser l’intermodalité en combinant marche et clando selon ses moyens. Ils se déploient dans un large périmètre urbain car on les trouve facilement partout, toujours prêts à déposer le client exactement là où il souhaite, quel que soit l'état de la rue empruntée et le temps qu'il fait. Grâce à leur ingéniosité à pratiquer ces routes ou leur capacité de slalomer, ils apportent par la même occasion un véritable service à la population, notamment pour « les urgences nocturnes » (maladie, accouchement, etc.), mais aussi pour les déplacements professionnels et les achats.
Ainsi, la desserte n’est pas ressentie de la même manière selon le quartier où l'on habite. On peut noter par exemple que le quartier Walia jouit d’une bonne accessibilité spatiale à travers la voie bitumée qui le lie à la grande ville. Par contre, les quartiers relativement excentrés et situés à plus de 5 km de la voie principale ont une accessibilité plus réduite. Bref, la difficulté de desserte et les coûts élevés des différents modes dépendent de l’état des infrastructures routières, très limitées et dégradées en périphérie.
Un réseau routier limité et fortement dégradé
Dans le 9e arrondissement de la ville de N’Djamena, le réseau de desserte est très insuffisant et ne permet pas d’assurer une bonne interconnexion urbaine. Parmi les facteurs qui expliquent cette faiblesse, on peut citer des contraintes physiques (le site de la ville compte de nombreuses dépressions qui sont inondées chaque année pendant la saison des pluies), le manque d’entretien et la faiblesse des investissements. De nombreux quartiers ne sont joignables que par des pistes difficilement accessibles, voire inaccessibles aux véhicules (fig. 2). Ainsi, l’accès des populations aux services urbains au centre est limité par la faible couverture spatiale de la zone par des routes de bonne qualité. Dans certains quartiers périphériques tels que Toukra et Kabé, l’accès aux domiciles se fait à travers des ruelles étroites, sinueuses, et insalubres. Elles entraînent souvent des déplacements à pied pour aller prendre un bus qui sont assez pénibles pour les gens habitant loin des axes routiers.
60 % des chefs de ménages constituant notre échantillon déclarent ainsi que les routes sont dans un piteux état. Elles sont défoncées, crevassées et parsemées de nids de poule et de cailloux. Ces divers obstacles créent d’énormes bouchons le long des voies au quotidien. Le mauvais état des routes entraîne une augmentation des coûts monétaires et non monétaires des déplacements, dans la mesure où il accroît la consommation du carburant et les coûts d’entretien, raccourcit la durée de vie moyenne des véhicules et diminue la vitesse de circulation. Le recours aux moyens de transport notamment les motos, moins confortables, met en danger les usagers sur des routes en général dégradées.
La plupart de ces routes manquent de trottoirs. Les véhicules individuels, les transports collectifs, les marcheurs et les cyclistes se partagent les mêmes voies. Par conséquent, les accidents sont fréquents et les piétons représentent deux tiers des victimes des accidents mortels (Ndadoum, 2016). Sur certaines voies revêtues, les espaces aménagés et laissés aux piétons sont malheureusement occupés par du stationnement automobile et le petit commerce.
L’absence de réseaux de drainage et d’assainissement cause également des inondations de la voirie à la moindre pluie. Les lieux de réception des eaux usées sont les chaussées et les rigoles, entraînant des coulées d’eau noirâtres permanentes au sol et la stagnation d’eau insalubre. Les eaux de pluies stagnent aussi pendant des semaines voire des mois. Le manque de drains a démultiplié les difficultés d’évacuation des eaux compliquant ainsi la mobilité motorisée et piétonne.
S’ajoute l’impraticabilité de la plupart des routes pendant la saison pluvieuse à cause de la multiplication des ornières qui représentent des obstacles infranchissables pour les automobilistes et les piétons. Notons que les pluies diluviennes qui se sont abattues en 2022 ont entraîné le débordement des fleuves Chari et Logone (photo 2) et ont causé le déplacement de milliers de personnes. 98 785 personnes pour 16 756 ménages se sont réfugiées chez des proches ou à l’extérieur de l'agglomération de N’Djamena. Certains quartiers sont devenus inaccessibles (Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, 2022).
Photo 2 - Vue aérienne du 9e arrondissement après de grosses pluies en Août 2022
Crédit photo : OIM/Anne Schaefer, Nations Unies, août 2022
Dans les quartiers Walia Barrière, Walia Hadjaraï… de nombreux îlots sont inaccessibles en voiture trois mois, parfois jusqu’à quatre mois durant l’année, en saison des pluies (photo 3). Il devient alors plus difficile de se rendre à son lieu de travail. Par exemple, Frédéric, fonctionnaire de son état, met plus de 45 minutes entre sa maison et la voie bitumée ; alors que cela lui prend entre 10 à 15 pendant la saison sèche. Il rapporte qu’il peine à vaquer à ses occupations : « toutes les routes sont remplies d’eau, ce n’est pas facile de passer… il y a la boue devant les portes, ce n’est pas facile. Piétiner la boue jusque dans les maisons, c’est gênant » (Brahim, 2022).
Dans les quartiers tels que Ngonba et Kabé, les femmes portent souvent des charges importantes sur la tête pour atteindre le marché. Elles utilisent des cheminements qu’elles ont créés elles-mêmes. Mais pour atteindre la voie bitumée afin d’accéder aux transports collectifs, ces femmes éprouvent beaucoup de difficultés pendant tout leur trajet. À cela, il faut ajouter le dépôt de sable, sur la voirie, dû à l’érosion des maisons faites en banco et aux gros camions de chantier. Au moindre coup de vent, toute la poussière se lève, entraînant le problème de visibilité et d’ensablement de la chaussée (Hemchi, 2015) qui, par la même occasion, perturbe la circulation.
S’ajoute à l’inadaptation de la voirie l’absence des équipements électriques et de panneaux de signalisation verticale. Dans le 9e arrondissement, comme dans le reste de la ville de N’Djamena, une fois la nuit tombée, l’obscurité s’installe dans de nombreux endroits. L’électricité disponible à N’Djamena constitue une denrée trop chère. Seulement 0,15 % de la population de N’Djamena en dispose (SNE Tchad, 2010). La visibilité très réduite gêne particulièrement les piétons, mais aussi les cyclistes et les autres automobilistes dont l’équipement électrique des véhicules est en mauvais état. Selon nos enquêtes, 58 % des chefs de ménages déplorent le manque de l’éclairage public. Seules quelques personnes disposant de groupes électrogènes essaient d’éclairer les devantures de leurs maisons. Sinon, sur la route, ce sont les lampes à pétrole et les lampes-tempête des petits commerçants qui permettent d’éclairer çà et là. Pendant qu’une partie de la ville se trouve dans l’obscurité, l’insécurité de circulation et surtout criminelle devient une préoccupation partagée par nombre de citadins qui s’aventurent dans les rues non éclairées.
Outre le manque d’éclairage public, il n’y a pratiquement pas de feux de signalisation. La signalisation permet de faciliter la circulation en ville, en canalisant les flux et en réduisant les causes d’accident. En circulant sur certaines voies principales du 9e arrondissement, on remarque qu’il n’y a pratiquement pas de signalisation tant horizontale que verticale. Les rares panneaux qu’on y trouve subissent régulièrement des actes de vandalisme. L’organisation actuelle de la circulation ne fixe pas de façon claire les règles de priorité aux carrefours pour les véhicules, moins encore pour les piétons. Elle encourage les infractions au code de la route, entraîne un ralentissement général des flux de circulation et cause de nombreux accidents. Dans la plupart des cas, les automobilistes ne cèdent pas le passage aux piétons. Pour embarquer ou pour débarquer des passagers, les chauffeurs n'hésitent pas à s'arrêter au milieu de la chaussée empêchant les autres véhicules de circuler normalement. De plus, l'emprunt par les minibus des accotements des grandes voies de circulation est systématique lorsque, aux heures de pointe, se forment les longues files de voitures. Le non-respect des règles de circulation crée des embouteillages sur les axes à fort flux. L’absence de tous ces équipements contribue à augmenter les difficultés de la mobilité urbaine.
Motifs et modes de déplacements des chefs de ménages dans le 9e arrondissement
Le nombre moyen des déplacements quotidiens effectués par les chefs de ménages est de 3,8 dans le 9e arrondissement (Brahim, 2022). Ce qui est comparable à Conakry et inférieur à celui de Douala avec respectivement 3,8 contre 4,4 déplacements par jour (Adolehoume et al., 2007). Près de 30 % des chefs de ménages effectuent 3 ou 4 déplacements dans la journée. La durée moyenne de leurs déplacements est de l’ordre de 26 min, et le temps de transport journalier se situe aux alentours d’une heure trente (tab. 1). Ces indicateurs ne diffèrent guère entre les hommes et les femmes. Cette mobilité a un coût monétaire élevé. Selon nos estimations, les dépenses liées aux déplacements représentent 23 % du revenu des chefs de ménages. Elles s’avèrent alors difficiles à assumer, en particulier pour les plus pauvres et pour les chefs de ménage femme qui dépensent davantage pour leurs déplacements que les chefs de ménages homme.
Tableau 1 - Distribution selon le niveau de mobilité et prix pratiqués selon la durée du déplacement dans le 9e arrondissement
Chef de ménage homme | Chef de ménage femme | Ensemble | |
Nombre de déplacements moyens/jour/pers. | 3,83 | 3,72 | 3,80 |
Budget temps de déplacements (en minutes) | 91 | 92 | 92 |
Durée moyenne de déplacements (en minutes) | 26 | 26 | 26 |
Dépenses moyennes en TC (en francs CFA) | 300 | 520 | 360 |
Source : V. Brahim, Enquêtes 2017
Déplacements quotidiens selon les motifs
Les principaux motifs de déplacement des chefs de ménages du 9e arrondissement sont le travail habituel 14 %, suivi des achats au marché ou à la boutique du coin (10 %). Le motif visite est le troisième motif de déplacement quotidien des chefs de ménages avec une part de 9 % (fig. 3). Il faut noter que les visites occupent une place significative dans les déplacements des chefs de ménages. Elles jouent un rôle vital dans l’entretien des réseaux de relation et structurent la vie quotidienne. Viennent ensuite la fréquentation des lieux de cultes (mosquées et églises) et les déplacements de loisirs qui représentent des proportions équivalentes de 6 % chacun. Enfin, viennent les déplacements de cérémonies, de santé (2 % chacun) et d’accompagnement (1 %).
Figure 3 - Distribution des déplacements quotidiens selon le motif
Source : V. Brahim, Enquêtes, 2017
Environ les deux-tiers des chefs de ménages (67 %) ont une mobilité pluri-motifs. Beaucoup se déplacent pour des motifs relevant d’au moins deux sphères de déplacements. D’autres personnes ressortent encore après avoir regagné leur domicile. Par exemple, les personnes scolarisées se déplacent à nouveau soit pour les visites, soit pour d'autres activités de détente (sports, cinéma...). Certains travailleurs, notamment les femmes, passent dans les lieux de détente (bar, restaurants...) ou au marché après le retour du travail pour s’approvisionner. Par exemple, Berthe, une infirmière habitant le quartier Walia hadjaraï, travaille à l’hôpital de la mère et de l’enfant, situé à Amriguebé dans le 5e arrondissement. Cette distance est à environ 8 km à vol d’oiseau et elle la fait en 30 minutes en bus. Avant de rentrer, Berthe va au grand marché pour faire les achats puis fait une escale dans le bar sous tamarinier situé au quartier Moursal dans le 6e arrondissement. De tels longs déplacements exigent pour la plupart, l’usage de différents modes de transports. Le plus souvent, les chefs de ménages combinent marche à pied et transport en commun pour limiter les dépenses ou la pénibilité des déplacements (Brahim, 2022).
Des déplacements quotidiens marqués par un fréquent recours à la marche à pied
Les facteurs socio-économiques présentés précédemment ainsi que la déficience du réseau et de l’offre de transport en commun font qu’une part élevée des trajets quotidiens des chefs de ménages du 9e arrondissement sont réalisés à pied avec 48 % des déplacements et de manière équivalente pour les femmes et les hommes. Cette situation est comparable à celle rencontrée dans d’autres grandes agglomérations d’Afrique de l’Ouest ou Centrale ainsi que de l’Afrique de l’Est telles que Nairobi, Harare et Dar es Salam (Mbara, 2006) et de l'Afrique Australe (Gough, 2006).
Premier mode, la pratique de la marche se réalise souvent dans un environnement urbain difficile (manque de trottoirs et encombrement de ces derniers du fait de l’occupation par les activités informelles, état de la chaussée, insalubrité, manque d’éclairage, risques d’accidents ou d’agressions, fig. 4). Après la marche à pied, viennent ensuite les transports artisanaux (minibus, clando, taxi jaune) avec une proportion de 35 %, utilisés davantage par les femmes (50,4 % contre 29 % pour les hommes). Puis, viennent l’usage de la moto personnelle (9 % des déplacements), du vélo (6 %) et enfin des voitures particulières qui assurent 1 % des déplacements (chauffeurs pour la plupart) plaçant l'utilisation de ces dernières à la hauteur d’autres modes tels que la pirogue et le service d’auto-stop avec 1 % de déplacements également. Ces distributions modales sont comparables à celles des villes comme Niamey et Bamako où les déplacements mécanisés sont réalisés majoritairement en modes individuels et essentiellement en transports collectifs à Conakry, Dakar et Douala ; à l’exception de la capitale burkinabè qui se singularise par la modestie d’usage des transports en commun (1 % en autobus et taxis collectifs) et des parts élevées des deux roues motorisées et mécaniques (20 % à moto et 21 % à vélo) (Boyer et al., 2017).
Figure 4 - Distribution des déplacements quotidiens selon les modes des CM
Source : V. Brahim, Enquêtes, 2017
Ce partage modal varie selon les motifs de déplacements. Les déplacements en lien avec la sphère domestique et la sphère professionnelle sont en majorité (60 %) motorisés (tab. 2). Mais les déplacements en lien avec la sphère sociale sont effectués très principalement à pied (65 %). La part de la marche n’est que d’un peu plus d’un quart pour ceux de la sphère professionnelle et d’un tiers pour la sphère domestique. Le recours à la moto personnelle est proportionnellement plus fréquent pour les déplacements liés à la sphère professionnelle (16 %) que pour les autres. Et en ce qui concerne les transports collectifs artisanaux, minibus et clandos, leur importance relative apparaît plus faible pour les déplacements de la sphère sociale que pour les autres.
Tableau 2 - Répartition modale selon les sphères de mobilité dans le 9e arrondissement
Sphère professionnelle | Sphère domestique | Sphère sociale | Ensemble | |
Marche | 26,9 | 32,9 | 65,6 | 41,8 |
Vélo | 8,8 | 3,4 | 4,6 | 5,6 |
Moto personnelle | 16 | 7 | 5,6 | 9,5 |
Voiture particulière | 2,1 | - | 0,4 | 0,8 |
Minibus | 27,4 | 31,7 | 10,7 | 23,2 |
Taxi collectif | 0,7 | 0,6 | 0,2 | 0,5 |
Clando | 17,6 | 23,2 | 12,3 | 17,7 |
Source : V. Brahim, Enquêtes 2017
Les pratiques de l’espace urbain
La majorité des individus à une mobilité urbaine contrainte au sens où ils doivent effectuer des déplacements vers le centre-ville ou sur la rive droite du Chari, notamment des quartiers éloignés de leurs lieux de résidence, pour le travail et les achats, en raison du manque d’équipements et de la polarisation des activités. Par rapport à des déplacements vers leur voisinage, cela implique pour eux, un allongement significatif du temps de transport quotidien d’au moins une vingtaine de minutes pour un aller-retour. En d’autres termes, pour les chefs de ménages ayant une mobilité urbaine, la localisation périphérique se traduit par un accroissement d’au moins un tiers du temps de transport quotidien. Par exemple, pour aller de N’Gueli dans le 9e arrondissement au marché de Dembé dans le 7e arrondissement (près de 6 km de distance à vol d’oiseau), il faut compter 15 à 20 minutes en minibus. Le cas de Alladoum résidant à Walia barrière et vigile de profession est illustratif. Lors de l’entretien sur ses déplacements à la veille de l’enquête, il affirme avoir mis près d’une heure pour arriver à son lieu de travail situé à Ambasatna dans le 3e arrondissement. Les déplacements sont en outre plus coûteux pour les travailleurs indépendants (petits commerçants-détaillants, artisans, domestiques, et réparateurs aux revenus souvent irréguliers) puisqu’ils impliquent de recourir le plus souvent à un mode motorisé (Brahim, 2022). Ils le sont aussi par les actifs qui résident dans les quartiers tels que Ngonba ou Kabé. Les femmes par exemple déclarent ainsi dépenser par déplacement en moyenne 265 francs CFA s’ils sont réalisés en minibus et 315 francs CFA s’ils sont effectués en mototaxi. Pour un aller-retour motorisé, la localisation périphérique implique alors un surcoût compris entre 240 et 340 francs CFA, ce qui en proportion est considérable. Les pratiques tarifaires de transport contribuent à la pauvreté en réduisant l'accès aux services urbains et en limitant la formation du capital humain. Car si on accède moins au potentiel de la ville, on risque d’être entraîné dans des spirales qui mènent à la très grande pauvreté (Orfeuil, 2004). Simultanément, la pauvreté accroît les difficultés de transport en cantonnant les citadins à des modes de vie de proximité et à l’usage de modes de transport faiblement efficaces.
C’est dans un tel contexte urbain, caractérisé par une faiblesse de réseaux routiers et de desserte en transports collectifs, que s’effectue la mobilité urbaine dans le 9e arrondissement. Une mobilité dont les conditions s’avèrent difficiles pour les ménages à faibles revenus.
Des conditions de déplacements souvent difficiles
Les déplacements des chefs de ménages à pied ou en modes mécanisés et motorisés se font dans des conditions qui sont souvent jugées pénibles et contraignantes (tab. 3). Il ressort en particulier de l’enquête et des échanges lors du séjour sur le terrain, quelques sujets principaux de préoccupation.
Tableau 3 - Avis des chefs de ménages sur les conditions de déplacements
Citations | % des répondants | |
Trop d’embouteillages | 83 | 13 % |
Transport trop cher | 74 | 12 % |
L’éloignement quand on va à pied | 105 | 17 % |
Attente trop longue | 50 | 8 % |
Durée de déplacement trop longue | 55 | 9 % |
Mauvaise qualité de service | 42 | 7 % |
Source : Brahim V., Enquêtes 2017
L’un des faits marquants dans le fonctionnement des taxis et minibus, c’est le non-respect des normes de sécurité et de confort. Par exemple, aux heures de pointe, entre 6 et 7 heures du matin et 15 heures de l’après-midi, les véhicules sont souvent bondés de passagers qui acceptent même de s’asseoir sur le moteur du minibus. Dans la plupart des cas, les passagers se bousculent à bord des véhicules pour aller au travail ou pour rentrer. Les véhicules ne démarrent que lorsque les chauffeurs ont fait le plein de clients. Par exemple, Béatrice, une commerçante rencontrée dans le quartier Gardolé Djedid souligne le fait que « les taximen font fi du nombre de passagers à transporter. Seul le profit compte pour eux ». Et, comme il est difficile de s’asseoir confortablement, les surcharges entraînent souvent des disputes entre les passagers et les chauffeurs ou entre les passagers eux-mêmes.
La perte de temps constitue l’une des difficultés majeures pointées par les chefs de ménages, usagers des transports collectifs. Cette perte de temps résulte de l’insuffisance numérique de l’offre par rapport à la demande de transport mais aussi de la mauvaise organisation du service. Les conducteurs des minibus ne quittent ainsi jamais la station tant que le véhicule n’est pas rempli. Les taximen aussi cherchent à remplir leur véhicule avant de quitter la station. Dans la plupart des cas, le temps d’attente en bord de route pour trouver une place disponible dans un minibus est estimé entre 5 à 10 min. Cela ne favorise pas particulièrement les travailleurs qui se plaignent d’être souvent en retard à leur lieu de travail.
Les durées de déplacements des résidents du 9e arrondissement ayant une mobilité urbaine, c’est-à-dire effectuant un ou plusieurs déplacements en lien avec des quartiers non riverains de celui de résidence, sont élevées. Les temps de déplacement dépendent essentiellement de la distance à parcourir, des moyens de transport disponibles, dont l’accès est conditionné par les disponibilités financières des ménages et de la qualité des routes. Ils intègrent plusieurs composantes : le temps d’accès aux points d’arrêts des transports collectifs, le temps d’attente qui est lié à la fréquence des minibus, le temps passé dans les transports et enfin le temps de marche pour accéder à destination. De manière globale, dans le 9e arrondissement, la majorité des déplacements en lien avec des quartiers non limitrophes se font en moins de 30 min. Mais près de 30 % ont une durée comprise entre 30 et 45 min, et plus de 15 % ont une durée supérieure à 45 min. Généralement, pour se rendre au-delà du voisinage, les chefs de ménages recourent à plusieurs modes, notamment le taxi ou le minibus pour réaliser leur déplacement.
Les coûts financiers de transport constituent l’une des difficultés rencontrées par les chefs de ménages lors de leurs déplacements. Ces coûts de transport résultent en partie du déficit en matière d’infrastructure de transport et de l’offre de transports. À N’Djamena par exemple, les taxis et minibus n’ont pas de compteur à bord, on paie à la course le plus souvent (de 150 à 200 francs CFA pour le minibus, et de 200 à 250 francs CFA pour le taxi). Le tarif de transport collectif urbain est aléatoire parce qu’il peut fluctuer de temps à autre. Les conducteurs augmentent unilatéralement les prix des transports en commun autant de fois que cela leur semble bon. Les transports en commun sont coûteux en particulier aux heures de pointe, lorsque la demande dépasse l'offre. Les chefs de ménage femme moins actives que les hommes dépensent davantage pour leurs déplacements (520 francs CFA contre 300 francs CFA).
D’après l’enquête réalisée dans le cadre de l’ECOSIT3 (Troisième Enquête sur la Consommation des ménages et le Secteur Informel au Tchad), si la pauvreté se concentre beaucoup plus en milieu rural (82 % des pauvres), à N’Djamena, elle touche une personne sur cinq (Inseed, 2013). D’après cette même enquête, les ménages N’Djamenois dépenseraient autour de 20 % de leur budget pour le transport. De plus, les relevés des prix à la consommation montrent que les prix de transport en commun augmentent de manière significative. Par exemple, entre juillet 2009 et juillet 2010, alors que l’indice global des prix à la consommation a diminué de 1,7 % dans la ville de N’Djamena, les prix des transports en commun ont augmenté de 6,6 % (Inseed, op. cit.). Selon l’Inseed (Institut National de la Statistique, des Études Économiques et Démographiques du Tchad), la part de la consommation moyenne en transport d’un ménage par jour est de 630 francs CFA soit une moyenne de 19 000 francs CFA/mois (29 euros). Ces tarifs sont trop élevés au regard d’un salaire minimum de 60.000 francs CFA mensuel (92 euros).
Les dépenses de transport sont ainsi devenues de nos jours très importantes en raison de l’allongement des distances avec l’extension de la ville. La part des dépenses de transport dans le budget des chefs de ménages du 9e arrondissement se chiffrerait à 23 %. Cette proportion avoisine celles de Conakry et Douala avec respectivement 23 % à Douala, 19 % à Conakry (Adolehoume et al., 2007). 27 % des usagers des transports en commun disent dépenser par déplacement en transports collectifs entre 200 à 300 francs CFA par jour soit 15 % de leur budget mensuel. Ce taux peut encore augmenter pour les salariés qui sont obligés de se déplacer presque tous les jours. Généralement les dépenses des déplacements pour une journée de travail oscillent entre 750 à 1 000 francs CFA. La faiblesse des revenus limite alors fortement l’usage des transports marchands par les catégories défavorisées. « Quand je commence mon travail à 7h00 et pour que je ne sois pas en retard, je dois quitter la maison à pied vers 5h30 pour arriver à l’heure » atteste Djim un agent de nettoyage de la mairie centrale de N’Djamena. Cela montre bien que l’usage des TC représente un fardeau pour les ménages pauvres, d’autant plus remarquable que leur accès à ce mode reste très restreint.
Enfin, les personnes enquêtées regrettent la faiblesse de la structuration spatiale des réseaux des transports collectifs. Ceux-ci sont caractérisés par l'absence de points d'arrêt fixes sur les lignes et l'absence de billetterie à bord des véhicules. Les chauffeurs s’arrêtent lorsqu’un passager leur fait signe de la main pour monter à bord, ou interpelle le chauffeur lorsqu’il veut descendre du bus. Les itinéraires ne sont pas non plus définis par avance. Les chauffeurs empruntent n’importe quel itinéraire selon leurs convenances. Ils peuvent aussi prendre un raccourci pour aller plus vite. Ce qui illustre le caractère de concurrence entre les différents opérateurs.
Conclusion
Comme dans la plupart des villes d’Afrique subsaharienne, les périphéries de N’Djamena sont dépourvues en équipements de base et services. Les populations du 9e arrondissement de N’Djamena, en choisissant de s’installer dans la périphérie dépourvue d’une bonne desserte en offre de transport urbaine, se trouvent loin de nombreux services de base (éducation, santé) et ne bénéficient pas d’une bonne accessibilité aux lieux d’emplois concentrés dans les zones centrales. Cette situation est exacerbée par l’insuffisance de l’offre de transport, tant en ce qui concerne la desserte du territoire par les réseaux de circulation, que par l’offre de transport pour compte d’autrui, assurée par le secteur informel. À cela s’ajoute un certain état de pauvreté que traduit la modestie de l’habitat. Dans ces conditions, l’accès aux équipements, emplois et aménités urbaines est fortement contraint par la mobilité d’échange avec le centre, plus coûteuse en temps et financièrement. Il demeure que certains problèmes comme l’insécurité, le manque de confort, rendent les déplacements difficiles. Compte tenu de cette situation, il serait ainsi indispensable d’améliorer les conditions de déplacements des citadins à l’échelle de la ville toute entière.
Cette amélioration devrait passer par le développement et l'entretien des cheminements piétonniers et des infrastructures routières, et par la réorganisation des transports urbains permettant une offre de transport collectif plus large, à des tarifs plus accessibles à la population, assurant confort et sécurité. L’expérience des villes qui ont créées des agences consacrées au transport urbain comme Abidjan avec l'AGETU (Agence des Transports Urbains), Bamako avec la DRCTU (Direction de Régulation de la Circulation et des Transports Urbains) ou encore à Dar es Salam avec la SUMATRA (Surface and Marine Transport Regulatory Authority), Lagos avec la LAMATA (Lagos Metropolitan Area Transport Authority)... permet d’éclairer la forme possible d’une telle organisation à N’Djamena.
Les difficultés de transport renforcent la pauvreté en réduisant l'accès aux services urbains ; tout comme la pauvreté accroît les difficultés d’accès aux transports. L'amélioration des conditions de déplacement des citadins paraît susceptible de jouer un rôle stratégique pour briser le cercle vicieux qui lie transport et pauvreté.