Hommage à Jean Renard - Éditorial de Christine Margetic

Géographe qui, après Nicole Croix, a repris son poste à l’Université de Nantes, présidente de la Commission de géographie rurale du CNFG depuis 2014

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Crédit photo : Valérie Jousseaume, 2013

Ce cahier d’hommages à Jean Renard est révélateur de l’immense tristesse qui a suivi l’annonce de son décès le 31 décembre 2020. Des témoignages mettent en avant son parcours académique et professionnel. Certains sont plus personnels et parlent surtout de l’homme, de sa grande écoute et de son souci d’agir, agir pour les étudiants, pour l’Université, pour la géographie. Il participait aussi à la « vie » dans ces terres de l’Ouest qu’il avait rejoint volontiers au travers de son implication dans des réseaux mais aussi par son soutien à cette revue, les Cahiers Nantais, une vitrine pour l’Igarun.

D’autres témoignages me sont parvenus de collègues universitaires. Certains étaient plutôt brefs, comme celui de Serge Schmitt de l’Université de Liège, qui « Vu de l'extérieur, j'ai pu apprécier à la fois la rigueur mais aussi la jovialité de Jean Renard. Il restera dans ma mémoire comme un exemple de géographe engagé pour sa discipline, sa région et son université », ou celui de François Bart qui appréciait aussi beaucoup Jean Renard, « que j'ai connu surtout à partir du colloque UGI de Durban, à l'occasion duquel, avec Mimi, il a participé à un voyage mémorable en Afrique du Sud. Ses travaux, son humour aussi étaient toujours très stimulants. ». D’autres retraçaient quelques souvenirs.

De l’Université de Lorraine, Jean-Paul Husson « appréciait à la fois la personne et les travaux conduits. Jean Renard sut accompagner le double changement de la révolution silencieuse agricole et de la renaissance rurale au sein du Grand Ouest. Ce territoire fut porteur de nombreux progrès préparatifs de l'application de la loi NOTRe.. Je l'avais invité au jury de thèse d'Éric Marochini (Metz, 1999). Elle traitait de la qualité des remembrements. »

Michel Bussi se souvient : « j'ai découvert les travaux de Jean dès ma thèse, je les ai beaucoup lus, relus, étudiés et cités, notamment ceux sur la géographie politique de l'Ouest. J'ai eu ensuite souvent l'occasion de le croiser, et d'apprécier son ouverture d'esprit et son sens de l'analyse au plus près du terrain, je l'ai revu une dernière fois en 2013, à Cerisy, pour le colloque sur le centenaire du tableau politique de Siegfried, et apprécié et publié sa remarquable analyse de l'évolution politique du canton de Talmont... Pour boucler la boucle. Jean Renard fait partie de ces universitaires érudits et engagés, qui rendent fier d'être géographe. Je suis fier de l'avoir croisé. »

Et les collègues de l’Igarun ne sont pas en reste, le plus souvent oralement. Laurent Pourinet reconnait que, « si le caractère bien trempé de l'homme pouvait ressurgir de manière remarquée et être souligné par ses collègues, l'empreinte qu'il laisse est pour moi celle d'un appui professionnel et humain attentif, constructif et bienveillant qui fait la différence dans les périodes charnière des jeunes années " d'entrée en action ". La lecture des messages de mon entourage (extérieur à l'Université) à l'occasion des vœux montre qu'on est plusieurs dans ce cas... Son implication dans la société civile et les réseaux professionnels dans lesquels peuvent graviter les géographes n'y est pas pour rien et au cours des années 1990, ça commençait déjà à être compliqué sur le marché du travail, les coups de pouce pouvaient s'avérer essentiels, les échanges et encadrements professionnels notamment sur les travaux de diagnostics et analyse géographique à faire en contexte de rapport d'étude aussi naturellement... Sans parler du chercheur géographe toujours en position d'analyse critique qui ne fait qu'encourager à suivre cette voie... ».

Pour Monique Bigoteau, « il faut rappeler son implication dans le réseau Reclus entre 1984 et 1992. Il était responsable du comité scientifique du programme " observatoire de la dynamique des localisations ", et investi dans la mise en place d’observations régionales factuelles pour comprendre les changements en cours à des échelles fines. Cette démarche se voulait complémentaire du traitement des grands fichiers de type Insee dont la mise à jour à l’époque était très lourde. L’observation des dynamiques des territoires était sa préoccupation et si seuls 4 numéros de Cartoscopie, l’adaptation aux Pays de la Loire de la Lettre d’Odile éditée par le Gip Reclus, ne sont sortis, il s’agissait bien de valoriser cette démarche scientifique en associant différents partenaires extérieurs au monde universitaire. »

Et Paul Fattal. « Alors qu’il était directeur de l'Igarun et que j'avais obtenu une bourse de thèse, il me convoque dans son bureau et me dit " vous allez la mener à son terme cette thèse, n'est-ce pas ? ". Je lui rétorque " évidemment " et là il me dit " oui parce que y en a marre de ces thésards qui ne finissent pas leur thèse ". Le second souvenir date de mon recrutement au poste de MCF. Je fais une excellente audition et Jean était président de la commission. À la fin de mon intervention, Jean rappelle devant toute la commission que mon directeur de thèse m'avait fait poireauter un an avant de m'autoriser de soutenir ce qui avait été considéré comme scandaleux par la communauté des géographes nantais. Je lui en suis reconnaissant. Puis il y a le Jean que nous avons reçu à la maison à déjeuner ou dîner avec les Cabanne, Peyon. Et là c'était le Jean caustique, rigolard et toujours friand de petits ragots universitaires. »

C’est ce même type de souvenir qu’évoque Isabelle Garat : « Tout le monde se souvient de sa manière de déboucher une bouteille de cidre qui a tâché le plafond de la salle du Cestan au Château et a sucré la photocopieuse. Un grand moment. »

J’ai aussi reçu un message d’une étudiante dans les années 1980, Françoise Lebot, principale au collège Mont Saint Rigaud à Monsols, qui « garde le souvenir de ses cours, de sa bienveillance et de son humour. Le temps a passé, une page se tourne ».

Personnellement, un souvenir ancien de Jean remonte aux Journées rurales de la Commission de la géographie rurale dont il était alors président dans le Gers. Lors du colloque, jeune Mcf un peu impressionnée par ce président de séance, je débordais mon temps de parole… et il m’interrompit fermement. Mais que de discussions ensuite lors des très nombreux repas qui ont émaillés ces Journées et toutes les suivantes à partir du milieu des années 1990, comme celles de Salignac en 2012, particulièrement houleuses et pendant lesquelles il a vraiment joué un rôle de médiateur.... Il ne voulait pas qu’on fasse évoluer le nom de la Commission, la géographie rurale faisant toujours sens pour lui, et d’autant plus au regard des changements de la discipline. D’occuper le poste à la suite d’un tel personnage est une fierté pour moi.

Peut-être que la date du 31 décembre est une dernière pirouette, mais il va nous manquer, lui qui, avec son épouse Marie-Geneviève, nous avait si gentiment accueilli, mon mari et moi, lors de mon arrivée à Nantes. Des repas entre ruralistes, avec les Croix et les Peyon, s’en sont suivis régulièrement, jusqu’au dernier en août dernier.

 

L’intégralité de l’hommage est disponible en pdf sur cette page.

Illustrations

Crédit photo : Valérie Jousseaume, 2013