La deuxième Assemblée Générale du projet REWRITE (REWilding and Restoration of InterTidal sediment Ecosystems for carbon sequestration, climate adaptation and biodiversity support) a été l’occasion de se rendre en Belgique, sur l’un des sites du projet : l’estuaire de l’Escaut.
L’Escaut occidental traverse un territoire atypique, fait de paysages aux nombreuses marques anthropiques. Dans cette région plate où le fleuve, soumis au régime des marées, s’écoulait lentement vers la mer du Nord en de nombreux méandres, de larges zones de marais ont été poldérisées dès le Moyen-Age, afin de former des terres propres à l’agriculture. Au fil des siècles, des digues ont été construites pour protéger ces terres nouvelles, situées pour la plupart sous le niveau de la mer. L’estuaire ainsi canalisé a permis le développement d’une autre activité, aujourd’hui essentielle pour l’économie régionale : le transport maritime. Bien qu’élément essentiel du paysage, le fleuve a donc progressivement été effacé de l’horizon : la diversité des habitats intertidaux qui le compose et sa riche biodiversité sont occultés par les digues – dont les photographies témoignent de la hauteur – ou par les zones industrialo-portuaires fermées au public. Le regard est ainsi constamment arrêté par l’un de ces éléments et le paysage porte les stigmates de cette anthropisation (photo 1).
Photo 1 - Les zones industrialo-portuaires d’Anvers, sur le bord de l’Escaut
Crédit photo : Lou-Ann Beaupuis, octobre 2024
Aujourd’hui cependant, dans un contexte d’augmentation de la fréquence des ondes de tempêtes combinées à l’élévation du niveau de la mer, la Belgique et les Pays-Bas ont commencé à rouvrir le paysage et à y réintégrer le fleuve. Les opérations de dépoldérisation se multiplient, notamment dans le cadre du plan de prévention des risques belges, nommé Plan Sigma. Créé en 1977 suite à des inondations de grande ampleur, ce plan intègre ce nouvel outil de prévention des risques grâce à des opérations dites de « ré-ensauvagement ». C’est le cas ici autour des terres noyées de Saeftinghe, où les digues des polders Hedwige et Prosper ont été ouvertes pour soumettre à nouveau les terres aux marées de l’Escaut (photo 2). Sur ces anciens polders, le paysage connait donc un « retour à la nature », avec la recréation d’habitats intertidaux jouant le rôle de zone tampon qui accueille les afflux d’eau lors des phénomènes extrêmes. Le « ré-ensauvagement » permet ainsi, dans un contexte de changement climatique et d’élévation du niveau de la mer, de protéger les terres situées en arrière tout en recréant des habitats d’intérêt communautaire.
Photo 2 - La terre noyée de Saeftinghe, une zone naturellement ré-ensauvagée
Crédit photo : Lou-Ann Beaupuis, octobre 2024
Lou-Ann BEAUPUIS, Géographe, Doctorante, Nantes Université, LETG Nantes UMR 6554 CNRS
Lou-Ann.Beaupuis@univ-nantes.fr
Participants à la mission :
- Vincent ANDREU-BOUSSUT, Université du Mans
- Lou-Ann BEAUPUIS, Nantes Université
- Céline CHADENAS, Nantes Université
- Caroline MOUMANEIX, Université de Caen
- Léa PALY, Université du Mans
- Caroline RUFIN-SOLER, Nantes Université
- Elodie SALIN, Université du Mans
- Charlotte VILASECA, Université de Nîmes